Istanbul Souvenirs d'une ville
Quand on lit Istanbul Souvenirs d'une ville, on comprend vite pourquoi Orhan Pamuk a été lauréat du prix Nobel de littérature en 2006. Ce livre est inclassable : ce n'est pas un roman, pas vraiment une autobiographie même s'il en a quelques traits, ce n'est pas non plus un récit ni même un essai. Je dirais que c'est davantage une ode à sa ville. Orhan Pamuk possède en effet une façon très personnelle de raconter Istanbul. Il se raconte, du moins il raconte son existence et celle du clan Pamuk dans Istanbul. C'est à la fois son histoire et celle de sa ville, c'est lui et la façon dont il s'est construit, instruit et cultivé, c'est la lente déchéance de sa famille dans un environnement minutieusement décrit. Le résultat, c'est ce tableau formidable d'une ville multiple et unique à la fois, trait d'union entre plusieurs civilisations. En outre - fait rare en littérature -, le livre est émaillé de nombreuses photos en noir et blanc qui accentuent le caractère nostalgique de l'ensemble.
L'auteur nous fait découvrir un peuple, ou plus exactement une mosaïque d'habitants. Je crois, pour ma part, que les Stambouliotes ne sont pas forcément représentatifs du peuple turc : ils sont bien davantage. Au hasard de ses allées et venues, c'est toute l'histoire d'Istanbul que nous narre Orhan Pamuk. Chaque épisode est amené par la mention d'un quartier, d'une maison, d'un immeuble, d'un palais ou d'un monument. C'est là que l'extraordinaire culture littéraire, artistique et historique de l'auteur fait merveille. Comme il est un fin connaisseur de la littérature française, on apprend tout sur les séjours à Byzance, Constantinople puis Istanbul de nombreux personnages plus pittoresque les uns que les autres comme Théophile Gautier, Gérard de Nerval ou Gustave Flaubert.
Je ne peux pas vous décrire en quelques lignes le plaisir que l'on trouve à lire 439 pages sans jamais s'ennuyer. Aussi, vous voyez ce qu'il vous reste à faire !
Un vrai bonheur de lecture et d'érudition dénué de tout pédantisme. Quelques lignes pour partir en voyage :
"Gustave Flaubert arrive à Istanbul en octobre 1850, soit sept ans après Nerval. il y vient accompagné de son ami photo-reporter Maxime Du Camp et de la syphilis qu'il vient de contracter à Beyrouth, et il y séjourne pendant environ cinq semaines. Il ne faut pas prendre au sérieux sa lettre écrite d'Athènes à son ami Louis Bouilhet après avoir quitté la ville lorsqu'il dit qu'"il y faudrait passer six mois". Flaubert était en effet quelqu'un qui éprouvait de la nostalgie pour tout ce qu'il laissait derrière lui. Dans les lettres où il fait précéder la date du mot Constantinople, on s'aperçoit facilement que sa maison à Rouen, sa chambre de travail, et sa chère maman, dont la séparation l'avait fait beaucoup pleurer, était ce qui lui manquait le plus depuis le début de son voyage, et qu'il souhaitait rentrer à la maison au plus vite."